Écoute, ô mon fils, les préceptes du Maître et prête l’oreille de ton cœur. Reçois volontiers l’enseignement d’un si bon père et mets-le en pratique, afin de retourner par l’exercice de l’obéissance à celui dont t’avait éloigné la lâcheté de la désobéissance. C’est à toi donc maintenant que s’adresse ma parole, à toi, qui que tu sois, qui renonces à tes volontés propres et prends les fortes et nobles armes de l’obéissance, afin de combattre pour le Seigneur Christ, notre véritable Roi. Avant tout, demande-lui par une très instante prière qu’il mène à bonne fin tout bien que tu entreprennes ; ainsi, après avoir daigné nous admettre au nombre de ses enfants, il n’aura pas sujet, un jour, de s’affliger de notre mauvaise conduite. Car, en tout temps, il faut avoir un tel soin d’employer à son service les biens qu’il a mis en nous, que non seulement il n’ait pas lieu, comme un père offensé, de priver ses fils de leur héritage, mais encore qu’il ne soit pas obligé, comme un maître redoutable et irrité de nos méfaits, de nous livrer à la punition éternelle, tels de très mauvais serviteurs qui n’auraient pas voulu le suivre jusqu’à la gloire.
Levons-nous donc, enfin, l’Ecriture nous y incite : « L’heure est venue, dit-elle, de sortir de notre sommeil. » (Rm 13, 11). Ouvrons les yeux à la lumière divine. Ayons les oreilles attentives à la voix de Dieu qui nous crie chaque jour cet avertissement : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Ps 94,8), et ailleurs : « Qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Eglises » (Ap 2 ,3). Et que dit-il ? « Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur. » (Ps 33,12). Courez pendant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous saisissent. » (Jn 12 ,35). Le Seigneur, cherchant son ouvrier dans la foule du peuple à laquelle il crie, dit encore : « Quel est l’homme qui veut la vie et désire voir des jours heureux ? » (Ps 33, 13). Que si, à cette demande, tu lui réponds : « C’est moi « , Dieu te réplique : « Si tu veux avoir la vie véritable et éternelle, interdis le mal à ta langue et à tes lèvres toute parole trompeuse ; détourne-toi du mal et fais le bien ; cherche la paix avec ardeur et persévérance. (Ps 33, 14-15). Et lorsque vous agirez de la sorte, mes yeux seront sur vous et mes oreilles attentives à vos prières, et avant même que vous ne m’invoquiez, je vous dirai : ‘Me voici ». Quoi de plus doux, frères très chers, que cette voix du Seigneur qui nous invite ?
Voyez comme le Seigneur lui-même, dans sa bonté, nous montre le chemin de la vie. Ceignons donc nos reins de la foi et de la pratique des bonnes œuvres ; sous la conduite de l’Evangile, avançons dans ses chemins, afin de mériter de voir Celui qui nous a appelés dans son royaume. Si nous voulons habiter dans la demeure de ce royaume, sachons qu’on n’y parvient que si l’on y court par les bonnes actions. Luc 12, 35; 1Thess 2,12 Mais interrogeons le Seigneur en lui disant avec le prophète : « Seigneur, qui habitera dans ta demeure ? Qui reposera sur ta montagne sainte ? » (Ps 14, 1) Après cette demande, mes frères, écoutons la réponse du Seigneur ; il nous montre la route de cette demeure en disant : « C’est celui qui marche sans tache et accomplit la justice ; celui qui dit la vérité du fond de son cœur, qui n’a pas prononcé de parole trompeuse, qui n’a pas fait de tort à son prochain, qui n’a pas accueilli des discours injurieux contre lui. » (Ps 14, 2-3) C’est celui qui rejette loin des regards de son cœur l’esprit malin qui le tente, et les suggestions qu’il lui souffle, les réduits à rien, saisit les premiers rejetons de la pensée diabolique et les brise contre le Christ. Ce sont ceux qui, craignant le Seigneur, ne s’enorgueillissent pas de leur bonne observance, mais qui, reconnaissant que le bien qui se trouve en eux ne peut venir d’eux-mêmes mais du Seigneur, glorifient le Seigneur qui agit en eux, et lui disent avec le prophète: « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom donne la gloire. » (Ps 113, 1)
De même l’apôtre Paul ne s’est rien attribué du succès de sa prédication, mais dit : « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis », (1 Cor 15, 10) et encore : « Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. » (2 Cor 10, 17) Aussi le Seigneur dit dans l’Evangile : « Celui qui écoute mes paroles et les accomplit, je le comparerai à un homme sage qui a bâti sa maison sur la pierre ; les fleuves ont débordé, les vents ont soufflé et se sont déchaînés sur cette maison ; mais elle n’est point tombée, parce qu’elle était fondée sur la pierre. » (Matth 7, 24-25) Pour achever, le Seigneur attend de nous que nous répondions chaque jour par nos œuvres à ses saintes leçons. S’il prolonge comme une trêve les jours de notre vie, c’est pour l’amendement de nos péchés, selon cette parole de l’Apôtre : « Ignores-tu que la patience de Dieu te convie à la pénitence ? » (Rom 2, 4) Car ce doux Seigneur affirme : « Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. » (Ez 33, 11)
Lorsque nous avons demandé au Seigneur, mes frères, qui habitera dans sa demeure, nous avons appris ce qu’il faut faire pour y demeurer. Puissions-nous accomplir ce qui est exigé de cet habitant ! Il nous faut donc préparer nos cœurs et nos corps aux combats de la sainte obéissance à ses commandements. Quant à ce qui manque en nous aux forces de la nature, prions le Seigneur d’ordonner à sa grâce de nous prêter son aide. Et si, désireux d’éviter les peines de l’enfer, nous voulons parvenir à la vie éternelle, tandis qu’il en est temps encore et que nous sommes en ce corps et que nous pouvons accomplir tout cela à la lumière de cette vie, courons et faisons, dès ce moment, ce qui nous profitera pour toute l’éternité.
C’est à cette fin que nous voulons fonder une école où l’on serve le Seigneur. Dans cette institution, nous espérons ne rien établir de rude ni de pesant. Si, toutefois, il s’y rencontrait quelque chose d’un peu rigoureux, qui fût imposé par l’équité pour corriger nos vices et sauvegarder la charité, garde toi bien, sous l’effet d’une crainte subite, de quitter la voie du salut dont les débuts sont toujours difficiles. En effet, à mesure que l’on progresse dans la voie religieuse et dans la foi, le cœur se dilate, et l’on court dans la voie des commandements de Dieu, avec la douceur ineffable de l’amour. Ne nous écartons donc jamais de son enseignement, et persévérant jusqu’à la mort dans sa doctrine au sein du monastère, participons par la patience aux souffrances du Christ pour mériter d’avoir part à son royaume.
Amen.