La philosophie catholique en France au XIXe siècle. Avant la renaissance thomiste et dans son rapport avec elle
Louis Foucher

Louis de Bonald :
Selon sa conception, croire que les Hommes peuvent vivre libres et souverains est contraire à ce que l’Histoire a montré, en effet, il y a toujours un pouvoir (Dieu, le Roi, le père), des ministres (le sacerdoce, la noblesse, la mère) et des sujets (les fidèles, les vassaux, les enfants). Cette idée sera reprise au début du xxe siècle concernant les rapports sociaux de sexe, notamment par la théoricienne antiféministe Marthe Borély.

 

Doctrine selon laquelle les formes politiques et religieuses doivent être conservées, dès lors qu’elles sont traditionnelles, consacrées par le passé. Qu’on échoue à les justifier intellectuellement n’est pas une objection, car leur valeur ne tient pas au fait qu’on peut les vérifier ou non par voie critique (enquête et raisonnement sont faillibles, superficiels, inadéquats) ; elle tient au fait que la société, qui s’est édifiée bien avant l’apparition de la science, a dû connaître et satisfaire ses besoins profonds de manière spontanée, c’est-à-dire à partir d’une révélation congénitale. C’est cette révélation qui est le fondement de tout, y compris de la vérité. Et c’est par la tradition, chargée de transmettre la révélation initiale, que la vérité peut être connue (le traditionalisme conduit au fidéisme, parce qu’il réserve à la foi issue de la révélation et communiquée par tradition de déterminer même les vérités de raison). Historiquement, cette doctrine a été celle de Bonald, de Joseph de Maistre, de Bautain, de Bonnety. Elle repose sur une conception précise de l’autorité et de l’obéissance : l’homme est « un être essentiellement enseigné ». Il doit recevoir la vérité d’en haut, comme héritage collectif. Cet héritage ne peut venir que de la société, parce que la fondation de celle-ci coïncide avec une Révélation qui apporte toutes les vérités nécessaires, avec une Parole qui les authentifie et qui, d’ailleurs, pour certains traditionalistes, fut à l’origine d’une langue universellement comprise, véhicule de connaissances indispensables en matière d’organisation, de morale, de religion. Si, au contraire, l’homme entend user du sens propre, de la raison individuelle, il préfère la nouveauté à la « vérité oubliée » et il introduit l’erreur, puisque la nouveauté est « sans ancêtres », c’est-à-dire sans garantie, et devrait rester « sans postérité », faute de paternité légitime. Le traditionalisme fut condamné en 1855 par l’Église romaine, qui tint à réhabiliter l’usage normal de la raison et du raisonnement.

 

Décret de la Sacrée Congrégation de l’Index, 11 (15) juin 1855.

Thèses contre le traditionalisme de Bonnetty.

2811

  1.  » Même si la foi est au-dessus de la raison, il ne peut jamais exister entre elles aucun dissentiment réel, aucune discorde, puisque toutes deux découlent d’une seule et même source de vérité immuable et éternelle, Dieu très bon et très grand, et qu’elles s’aident mutuellement  » 2776 ; voir 3019 ).

2812

  1. Le raisonnement peut prouver avec certitude l’existence de Dieu, la spiritualité de l’âme, la liberté humaine. La foi est postérieure à la Révélation, et elle ne peut donc pas être alléguée pour prouver l’existence de Dieu vis-à-vis d’un athée, ni pour prouver la spiritualité de l’âme raisonnable et sa liberté face aux partisans du naturalisme et du fatalisme (voir 2751 , 2754 .

2813

  1. L’usage de la raison précède la foi et y conduit l’homme à l’aide de la Révélation et de la grâce 2755 .

2814

  1. La méthode dont se sont servis saint Thomas, saint Bonaventure et d’autres scolastiques après eux, ne conduit pas au rationalisme, et elle n’a pas été la cause de ce que dans les écoles d’aujourd’hui la philosophie incline au naturalisme et au panthéisme. C’est pourquoi il n’est pas permis de reprocher à ces docteurs et à ces maîtres de faire usage de cette méthode, surtout avec l’approbation, au moins tacite, de l’Eglise.

 

Instruction du Saint-Office au vicaire apostolique du Siam, 4 Juillet 1855.

Author

Frère Jérôme

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