Vingt-quatre thèses thomistes
I. – La puissance et l’acte divisent l’être de telle sorte que tout ce qui existe, ou bien est acte pur, ou bien se compose nécessairement de puissance et d’acte comme principes premiers et intrinsèques (n° 61).
II. – L’acte, étant perfection, n’est limité que par la puissance qui est capacité de perfection. Par conséquent, dans l’ordre où il est pur, l’acte se trouve nécessairement sans limites et unique ; mais là où il est fini et multiple, il entre dans une véritable composition avec la puissance (n° 62).
III. – Aussi seul Dieu subsiste-t-il dans la raison absolue de l’être lui-même, seul il est parfaitement simple ; toutes les autres choses qui participent de l’être lui-même ont une nature qui limite leur être et sont constituées d’une essence et d’une existence, comme de principes réellement distincts (n° 64-69).
IV. – Ens quod denominatur ab esse, non univoce de Deo ac de creaturis dicitur ; nec tamen prorsus aequivoce, sed analogice, analogia tum attributionis tum proportionalitatis.
L’être, qui reçoit sa dénomination du verbe être, se dit de Dieu et des créatures d’une façon non pas univoque, ni pourtant tout équivoque, mais analogue d’une analogie et d’attribution et de proportionnalité (n° 121).
V. – Il y a, en outre, dans toute créature, composition réelle d’un sujet subsistant avec des formes surajoutées, des accidents : mais cette composition serait inintelligible si l’existence n’était pas réellement reçue dans une essence distincte d’elle (n° 80).
VI. – Outre les accidents absolus, il en est un de relatif, en d’autres termes, un rapport à quelque chose. Bien que ce rapport ne signifie pas par lui-même quelque chose d’inhérent à un sujet, il a souvent toutefois dans les choses sa cause et par suite une réalité entitative distincte du sujet (n° 93).
VII. – La créature spirituelle est tout à fait simple dans son essence. Mais il reste en elle une double composition, celle d’essence et d’existence et celle de substance et d’accidents (n° 63).
VIII. – Quant à la créature corporelle, elle est dans son essence même composée de puissance et d’acte ; cette puissance et cet acte de l’ordre de l’essence sont désignés sous les noms de matière et de forme (n° 73).
IX. – De ces deux parties, aucune n’existe par soi, n’est produite par soi, ne se corrompt par soi, ne peut être rangée dans un prédicament si ce n’est par réduction, en tant que principe substantiel (n° 75).
X. – Bien que l’extension en parties intégrantes résulte de la nature des corps, ce n’est pourtant point la même chose pour un corps d’être une substance et d‘être étendu. La substance, en effet, par elle-même est indivisible, non à la façon d’un point, mais à la manière de ce qui se trouve en dehors de l’ordre de la dimension. Mais la quantité, qui donne son extension à la substance, en diffère réellement et c’est un véritable accident (n° 92).
XI. – La matière désignée par la quantité est le principe de l’individuation c’est-à-dire de la distinction numérique, impossible chez les esprits purs, d’individus au sein d’une même nature spécifique (n° 75).
XII. – Cette même quantité fait que le corps se trouve d’une façon circonscriptive dans un lieu et qu’il ne peut, de quelque puissance que ce soit, se trouver de cette façon que dans un seul lieu (n° 95).
XIII. – Les corps se divisent en deux catégories : les uns sont vivants, les autres n’ont pas la vie. Chez les corps vivants, pour qu’il y ait dans un même sujet, par soi, une partie qui meuve et une partie qui soit mue, la forme substantielle, appelée âme, exige une disposition organique, en d’autres termes, des parties hétérogènes (n° 131, 138).
XIV. – Les âmes de l’ordre végétatif et de l’ordre sensible ne subsistent pas par elles-mêmes et ne sont pas produites en elles-mêmes ; elles existent seulement à titre de principe par lequel l’être vivant existe et vit ; et, comme elles dépendent de la matière par tout elles-mêmes, elles se corrompent par accident à la corruption du composé (n°139-142).
XV. – Par contre, subsiste par elle-même l’âme humaine qui, créée par Dieu quand elle peut être infusée à un sujet suffisamment disposé, est de sa nature incorruptible et immortelle (n° 447-452).
XVI. – Cette âme raisonnable est unie au corps de façon à en être l’unique forme substantielle : c’est à elle que l’homme doit d’être homme, animal, vivant, corps, substance, être. L’âme donne donc à l’homme tous ses degrés essentiels de perfection ; de plus elle communique au corps l’acte d’existence qui la fait exister elle-même (n° 448-449).
XVII. – Des facultés de deux ordres, les unes organiques, les autres inorganiques, émanent de l’âme humaine par une résultance naturelle ; les premières, auxquelles appartient le sens, ont pour sujet le composé ; les secondes, l’âme seule. L’intelligence est donc une faculté intrinsèquement indépendante de tout organe (n° 159, 438).
XVIII. – L’immatérialité entraîne nécessairement l’intellectualité à ce point qu’aux degrés d’éloignement de la matière répondent autant de degrés d’intellectualité. L’objet adéquat de l’intellection est d’une façon générale l’être lui-même ; mais l’objet propre de l’intelligence humaine, dans son état actuel d’union avec le corps, est fait de quiddités abstraites de leurs conditions matérielles (n° 178, 268, 269, 275-280, 318).
XIX. – Nous recevons donc des choses sensibles notre connaissance. Mais comme l’objet sensible n’est pas actuellement intelligible, il faut admettre dans l’âme, en plus de l’intelligence formellement connaissante, une force active capable d’abstraire des images les espèces intelligibles (n° 282-284).
XX. – Per has species directe universalia cognoscimus ; singularia sensu attingimus, tum etiam intellectu per conversionem ad phantasmata ; ad cognitionem vero spiritualium per analogiam ascendimus
Par ces espèces (intellectuelles) nous connaissons directement des objets universels ; les objets singuliers, nous les atteignons par les sens et aussi par l’intelligence grâce à un retour sur les images ; quant à la connaissance des choses spirituelles, nous nous y élevons par analogie (n° 270, 275).
XXI. – La volonté suit l’intelligence, ne la précède point ; elle se porte d’un mouvement nécessaire vers l’objet qui lui est présenté comme un bien rassasiant de tout point l’appétit, mais entre plusieurs biens qu’un jugement réformable lui propose à rechercher, elle est libre dans son choix. Le choix suit donc le dernier jugement pratique ; mais, qu’il soit le dernier, c’est la volonté qui le fait (n° 366, 378-383).
XXII. – L’existence de Dieu, nous ne la percevons point dans une intuition immédiate, nous ne la démontrons pas a priori, mais bien a posteriori c’est-à-dire par les créatures, l’argument allant des effets à la cause : savoir, des choses qui sont mues et qui ne peuvent être le principe adéquat de leur mouvement, à un premier moteur immobile ; du fait que les choses de ce monde viennent de causes subordonnées entre elles, à une première cause non causée ; des choses corruptibles qui sont indifférentes à être ou à n’être pas, à un être absolument nécessaire ; des choses qui, selon des perfections amoindries d’être, de vie et d’intelligence, sont, vivent, pensent plus ou moins, à celui qui est souverainement intelligent, souverainement vivant, souverainement être ; enfin, de l’ordre de l’univers, à une intelligence séparée qui a mis en ordre et disposé les choses et les dirige vers leur fin (cf. T. II, n° ).
XXIII. – L’essence divine, par là même qu’elle s’identifie avec l’actualité en exercice de son existence, en d’autres termes, qu’elle est l’Etre même subsistant, s’offre à nous comme bien constituée pour ainsi dire dans sa raison métaphysique et par là aussi elle nous fournit la raison de son infinité en perfection (n° 68, 88. cf. T. II, ).
XXIV. – Donc par la pureté même de son être Dieu se distingue de toutes les choses finies. De là il s’ensuit d’abord que le monde n’a pu procéder de Dieu que par une création ; ensuite que le pouvoir créateur, qui atteint de sa nature premièrement l’être en tant qu’être, ne peut, pas même par miracle, se communiquer à aucune nature finie ; enfin qu’aucun agent créé ne peut influer sur l’être d’un effet quel qu’il soit, si ce n’est par une motion reçue de la Cause première (n° 68 ; 62 – III ; 104, cf. T. II, n° ).